Les SWAPs : des produits dérivés pas comme les autres

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Un SWAP est un produit dérivé permettant à deux acteurs de procéder à un « échange de flux ». Il existe différentes catégories de SWAP, les plus connus étant les « SWAP de taux » et les « Credit Default SWAP » (CDS). L’un permet un échange de taux d’intérêts, l’autre permet de se couvrir contre le risque de crédit… Mais concrètement, comment ça marche ?

Les SWAP de taux : échanger un taux fixe contre un taux variable, et inversement

Pour comprendre le principe du SWAP de taux, prenons un exemple concret. Imaginons deux entreprises, la société «VARA» et la société «FIXB». Chacune d’entre elle a contracté un prêt de 10 M€ sur 5 ans :

  • VARA a emprunté ce montant à taux variable : elle doit verser à sa banque un intérêt indexé sur l’EURIBOR + 3 %, de façon périodique.
  • FIXB a contracté un emprunt (de même montant, et de même durée) avec un taux fixe de 2 % : quel que soit le niveau de l’EURIBOR, elle verse 2 % à chaque échéance.

Nos deux sociétés sont exposées à un risque de taux. En effet, si l’EURIBOR augmente, cela viendra alourdir la charge d’intérêts que VARA verse à sa banque. Même si FIXB n’est pas soumis à la même incertitude que VARA grâce à son taux fixe, une baisse des taux est de nature à occasionner un manque à gagner pour FIXB. En effet, avec un taux variable, FIXB aurai pu payer des intérêts moins importants qu’avec son taux fixe.

Si VARA et FIXB sont prêtes à conserver ces conditions toute la durée du prêt – l’une acceptant le caractère incertain des futurs flux d’intérêts à verser à sa banque, l’autre ne s’estimant pas lésée avec son taux fixe – notre exemple s’arrête là. Les deux sociétés poursuivent le remboursement de leur dette, l’une à taux variable, l’autre à taux fixe.

Mais il arrive que les entreprises ne soient pas dans cette disposition. Étant soumises à un taux variable, elles peuvent vouloir basculer sur un taux fixe, et inversement. Dans notre exemple, VARA pourrait désormais souhaiter payer un taux fixe pour réduire son incertitude sur les futurs flux d’intérêts à payer. FIXB préférerait passer à taux variable, anticipant une baisse et un niveau durable de taux bas. C’est ici que le SWAP de taux entre en jeu.

Le SWAP de taux est un contrat, qui permet à VARA et FIXB de procéder à un échange de flux d’intérêts, par l’intermédiaire d’un établissement bancaire :

  • Dans les faits, il y a 2 contrats : un entre VARA et la banque, et un autre entre FIXB et la banque (qui n’est pas nécessairement celle qui accordé les prêts à VARA et FIXB).
  • Les deux sociétés conservent leur prêt en l’état auprès de leurs banques respectives, mais, à chaque période, en plus de payer les intérêts à leur banque, elles s’échangent leurs flux d’intérêts respectifs.

Voyons ce que cela signifie. Tout d’abord, pour VARA, qui est soumis à un taux variable :

(1) VARA verse le montant des intérêts à sa banque : soit EURIBOR + 3% du nominal
(2) VARA verse à la banque en charge du SWAP un taux fixe, disons de 2,5 %
(3) VARA reçoit de la part de la banque en charge du SWAP l’équivalent des intérêts qu’il a versé à sa banque : l’EURIBOR + 3%

Avec une hypothèse d’EURIBOR = -0,36 %, les flux sont les suivants :

(1) [(10.000.000 / 5) * (-0,36 % + 3 %)] = 2.000.000 * 0,0264 = 52.800
(2) [(10.000.000 / 5) * (2,5 %)] = 2.000.000 * 0,025 = 50.000
(3) [(10.000.000 / 5) * (-0,36 % + 3 %)] = 2.000.000 * 0,0264 = 52.800

En net, VARA verse 50.000 €. Si l’EURIBOR venait à monter, VARA est assuré de ne pas payer plus de 50.000 €. Sa dette est donc à taux fixe.

Pour FIXB, qui paye également un taux fixe et qui souhaite passer à taux variable, la logique est inversée :

(4) FIXB verse le montant des intérêts à sa banque, soit 2 % du nominal
(5) FIXB verse à la banque en charge du SWAP un taux variable, soit EURIBOR + 3%
(6) FIXB reçoit de la part de la banque en charge du SWAP l’équivalent des intérêts qu’il a versé à sa banque : un taux fixe de 2 %

Idem, avec une hypothèse d’EURIBOR = -0,36 %, les flux sont les suivants :

(4) [(10.000.000 / 5) * (2 %)] = 2.000.000 * 0,02 = 40.000
(5) [(10.000.000 / 5) * (-0,36 % + 3 %)] = 2.000.000 * 0,0264 = 52.800
(6) [(10.000.000 / 5) * (2 %)] = 2.000.000 * 0,02 = 40.000

En net, FIXB verse 52.800 €. Dans la configuration de l’exemple, cela lui coûte plus cher qu’un taux fixe, mais FIXB est désormais en mesure de bénéficier d’une baisse des taux.

Nos deux sociétés ont donc procédé à un échange de flux d’intérêts à l’aide d’un SWAP de taux, sans que la configuration de leur dette ne soit modifiée auprès de leurs banques. Vous noterez que dans l’opération, l’établissement bancaire en charge du SWAP prélèvera une rémunération de 0,5 % (montant fourni à titre d’exemple) sur le flux échangé.

Les Credit Default SWAPs (CDS) : se protéger contre un risque de crédit, ou parier sur le défaut

Dans une toute autre logique, le Credit Default SWAP (CDS) est un instrument financier permettant de se couvrir contre un risque de crédit.

Pour mieux appréhender ce type de SWAP, on le rapproche souvent des produits d’assurance. Même si la philosophie de ces deux instruments paraît proche, cette comparaison possède des limites, les CDS ayant des modes de fonctionnent bien distincts des produits d’assurance. Néanmoins, pour bien comprendre, prêtons nous tout de même à cette mise en perspective.

En tant que locataire ou propriétaire de votre logement, vous avez souscrit auprès de votre assureur une assurance habitation. Moyennant le paiement régulier d’une prime d’assurance, et selon les modalités prévues dans votre contrat, votre assureur vous couvre en cas de sinistre. Avec les Credit Default SWAP, c’est un peu la même approche, sauf qu’au lieu de se prémunir contre un incendie ou un dégât des eaux, les Credit Default SWAP permettent de se prémunir contre le risque de crédit d’une contrepartie.

Contrairement à une assurance habitation où vous possédez le logement (ou êtes titulaire d’un bail), le Credit Default SWAP ne nécessite pas de détenir le sous-jacent concerné. Il n’est donc pas nécessaire d’être exposé à la dette de la contrepartie concernée pour se couvrir. C’est un peu comme prendre une assurance habitation pour une maison qui ne nous appartient pas.

Comme avec une assurance, lors de la survenance d’un « sinistre », les détenteurs de CDS sont indemnisés sur la dette de la contrepartie concernée par le contrat. Les événements susceptibles de constituer ce sinistre ont été définis par l’ISDA (International SWAPs and Derivatives Association) et sont formalisés dans le contrat. On peut citer :

  • la faillite de l’entreprise ;
  • son incapacité à honorer la charge de sa dette ;
  • la restructuration de cette dernière, etc.

Afin d’y voir plus clair, prenons un exemple concret avec nos sociétés VARA et FIXB.

La société VARA souhaite se couvrir contre le risque de non remboursement d’obligations émises par la société FIXB. Comme évoqué précédemment, VARA n’est pas obligée de détenir les obligations de FIXB. S’il en détient, les CDS lui permettront de se couvrir contre le risque de non remboursement de ses obligations. Si ce n’est pas le cas, c’est une manière pour VARA, par exemple, de se couvrir « indirectement » sur une créance commerciale, voire de parier sur le défaut de FIXB…

Pour simplifier, supposons que VARA détient pour 5 M€ d’obligations de FIXB, et que son souhait soit de se protéger du risque de non remboursement de ces obligations.

Comment VARA va-il procéder ?

(1) VARA va se tourner vers les marchés et contracter un CDS, dont le prix sera en rapport avec la qualité de crédit de FIXB. Ici disons que FIXB cote 0,5 % sur les marchés pour une durée de 2 ans.

(2) Une fois contracté, VARA versera pendant toute la durée du contrat une « prime » au vendeur de la protection sur le marché (il s’agit d’une autre société, qui n’est pas FIXB). La prime s’exprime en pourcentage du nominal, ici il s’agit de 0,5 % de 5 M€ (soit 250 K€ par an). Tant que FIXB ne fait pas défaut, VARA continue de payer la prime et les flux ne vont que dans un sens.

(3) Que se passe-t-il ensuite ? Deux cas de figure peuvent se présenter :

Hypothèse 1 : le temps passe, FIXB ne fait pas défaut et les obligations sont remboursées. VARA aura payé des primes pendant 2 ans pour 500 K€ sans rien recevoir en retour : c’est ce qui se passe lorsqu’on revend sa voiture après 15 ans sans avoir eu un seul accrochage.

Hypothèse 2 : la société FIXB fait faillite. Dans ce cas, le vendeur du contrat indemnise VARA du nominal, soit 5 M€.

Le CDS a donc conféré une protection à VARA contre le risque de crédit de FIXB.

Autres types de SWAPs

La liste ne se limite pas aux SWAP de taux et aux CDS, il existe de nombreux autres types de SWAP qui s’échangent sur les marchés.
Parmi eux, on compte notamment les SWAPs de devises, qui permettent de s’échanger des taux dans des devises différentes. On peut également citer les SWAPs de matières premières, les SWAPs d’actions, etc.

Florent Goossens