Le bilan d’une entreprise est statique, on dit souvent de lui qu’il est « une photographie du patrimoine de l’entreprise à un instant T ». Il met en avant des éléments fondamentaux sur la solidité de cette dernière, toutefois une prise de recul s’impose lors de l’analyse de celui-ci.
Le bilan, un document comptable très statique…
Le bilan est le reflet de la situation patrimoniale de l’entreprise arrêtée à sa date de clôture : il met en avant quelles sont les ressources de l’entreprise à cet instant T, et comment elles ont été allouées. Cette approche n’est donc pas dynamique et, tout comme quand on prend une photo, une des personnes présentes sur le cliché peut être en train de cligner des yeux, et les rouvrira juste après.
Certains éléments sont susceptibles de fluctuer fortement tout au long de l’année : le niveau des disponibilités, le niveau des stocks, le montant des dettes bancaires à court terme, etc. qui sont des postes directement corrélés au cycle d’exploitation de l’entreprise, qui n’est pas nécessairement linéaire.
A titre d’exemple, on peut citer la production de foie gras, ou la vente de jouets, qui connaissent des pics d’activité en fin d’année avec les fêtes. Le niveau de stocks des entreprises concernées n’est certainement pas équivalent entre le 1er décembre et le 1er juin…
Tout l’enjeu sera donc d’apprécier ces données avec du recul, car elles sont révélatrices d’une situation à un instant T, mais pas de l’ensemble de l’exercice. Cela ne signifie pas que ces données n’ont pas d’intérêt, au contraire, mais que la véritable situation de trésorerie ou de stock par exemple, se situe « autour » de ce que l’on constate au bilan (parfois des pics, parfois des creux).
A noter : il en est de même lorsqu’on calcule le BFR. Celui-ci est fluctuant et dépend du cycle d’exploitation.
Important : en plus de refléter une situation à un instant T, le bilan reflète parfois… la meilleure situation de l’année. Beaucoup d’entreprises clôturent au 31 décembre, mais un certain nombre de dirigeants choisissent d’autres dates d’arrêté en fonction de leur cycle d’exploitation, leur permettant de disposer d’un bilan avec une image plus positive.
… qui met en évidence des éléments structurants …
Certains postes du bilan sont toutefois plus stables que d’autres par nature : actifs immobilisés, capitaux propres, dettes, etc. Ces postes peuvent bien entendu fluctuer tout au long de l’exercice, mais avec une inertie plus importante.
Par exemple : l’actif immobilisé va augmenter suite à un investissement dans du matériel, ou de l’immobilier, pour répondre à un besoin de modernisation de l’outil de production ou d’ajustement de capacité. Mais ce niveau se maintiendra et fluctuera sur les exercices suivants, au gré des amortissements (sauf cas particulier, comme la cession d’un actif qui ne donnait pas satisfaction, ou sa reprise en lease-back).
La réalité n’est jamais binaire, et même si le bilan peut être critiqué par son caractère statique, il apporte plusieurs éclairages structurants sur la situation de l’entreprise, notamment :
- sa solidité, et l’implication de ses actionnaires
- le vieillissement de son outil de production
- son pouvoir de négociation avec ses clients et fournisseurs
Solidité de l’entreprise et implication des actionnaires : les capitaux propres
Les capitaux propres sont le « miroir » des actifs que l’entreprise a constitué au cours du temps, et dont elle est – et par extension, ses actionnaires – propriétaire. C’est en quelque sorte son « matelas » de sécurité en cas de difficultés. Ils évoluent au gré des résultats (report à nouveau des pertes, mise en réserve des bénéfices), et des opérations d’augmentation de capital (ou de réduction) décidées par les actionnaires.
Son niveau, ainsi que son évolution d’un exercice à l’autre, constituent un signal fort lorsqu’il s’agit d’appréhender la solidité et la pérennité d’une structure. On l’évalue via le « niveau de capitalisation », obtenu en divisant les capitaux propres par le total du bilan. Toutefois, il n’y a pas de ratio « type » car certains secteurs d’activité peuvent être très gourmands en actifs (industries par exemple) et d’autres non (start-up), sans que cela constitue un problème en soi.
Une mise en réserve régulière d’une quote-part des bénéfices, une augmentation de capital à l’occasion de grands programmes d’investissements, sont des signaux positifs d’implication des actionnaires dans l’entreprise. Diviser le montant des dettes de l’entreprise par le montant des capitaux propres permet également d’identifier où se situe le centre de gravité relatif au « soutien » de l’entreprise : lorsque ce ratio est égal à 1, on peut considérer que les prêteurs et les actionnaires ont une implication équivalente.
A l’inverse, la présence de capitaux propres négatifs est une situation inquiétante : cela signifie que, suite à une accumulation de pertes importantes, la valeur de ses actifs ne permettrait pas de rembourser la dette.
La vétusté de l’outil de production : l’amortissement des immobilisations
Le degré d’amortissement des immobilisations corporelles est un indicateur sur lequel il convient de s’attarder. On l’obtient en divisant le montant des amortissements constatés par le montant brut des immobilisations. Plus ce ratio tend vers 1, plus cela signifie que l’immobilisation a été amortie, et que l’outil de production de l’entreprise est vieillissant.
Une entreprise qui ne procède pas à une modernisation régulière de son appareil productif s’expose, compte tenu du vieillissement de ce dernier, à une plus grande probabilité de pannes et dysfonctionnements, pouvant avoir pour conséquence :
- une augmentation de ses coûts de maintenance (qui viendront éroder la rentabilité de l’entreprise) ;
- de potentielles interruptions de son processus de production (qui, en plus de générer des coûts, vont lui occasionner un manque à gagner en terme d’activité).
Plus l’actif de l’entreprise s’amortit sans que celui-ci fasse l’objet de renouvellements réguliers, plus l’entreprise se dirige vers un programme d’investissement conséquent. Et plus l’investissement qui en résulte sera lourd, plus le financement sera difficile à obtenir…
Le pouvoir de négociation avec les parties prenantes : le poste client et le poste fournisseurs
Même si les créances clients et les dettes fournisseurs sont également de nature à varier tout au long du cycle d’exploitation de l’entreprise, les délais consentis aux clients et aux fournisseurs confèrent à ces deux postes du bilan plus d’inertie. Ils sont généralement rapportés au chiffre d’affaires afin de les convertir en nombre de jours, ce qui permet des comparaisons plus pertinentes par rapport aux exercices précédents et entreprises du même secteur.
Ainsi, une entreprise qui parvient à maintenir ses délais clients, voire à les réduire, témoignera d’une dynamique de négociation, de suivi et de relance lui permettant de garantir d’être encaissée en temps et en heure. Et un poste fournisseur en hausse pourra signifier une plus grande confiance des partenaires, qui ont décidé d’octroyer des délais de règlement plus longs.
Petites subtilités :
– Le recours à l’escompte et à l’affacturage aura pour effet de « dégonfler » le poste client et ne sera pas visible dans les dettes, s’agissant d’engagements hors bilan. Un retraitement de ces deux postes s’avère alors nécessaire lorsque l’entreprise a recours à ces modes de financement.
– Attention également aux créances douteuses et litigieuses, à leur proportion et à leur évolution, car un impayé client peut être le déclencheur de difficultés et conduire à une cessation de paiement pour l’entreprise.
… et que l’analyse des cash flows permettra de compléter
Trait d’union entre l’analyse de la rentabilité et celle de la structure financière de la société, l’étude des cash flows (ou flux de trésorerie) apporte un éclairage précieux sur la manière dont l’entreprise génère (ou consomme) du cash et comment ils sont alloués.
Pour terminer : le bilan et le « hors bilan », une dette pas si bien cachée
La dette d’une entreprise ne se limite pas à ce qui est restitué dans le passif du bilan. En fonction des secteurs d’activités et des stratégies des directions financières, le recours au crédit-bail mobilier et immobilier, l’escompte ou encore l’affacturage peut être plus ou moins important. On dit de ces dettes qu’elles sont « hors bilan », mais elles ne sont pas pour autant absentes des liasses fiscales.
Florent Goossens
Pour aller plus loin : 10 conseils pour évaluer la rentabilité, la solidité et la pérennité d’une entreprise