Que vous soyez chef d’entreprise, investisseur, fournisseur ou même salarié, disposer de clés pour appréhender la performance, la solidité et la pérennité d’une entreprise peut s’avérer utile pour identifier les points forts et les points faibles de la société que vous dirigez, dans laquelle vous souhaitez investir, avec laquelle ou pour laquelle vous travaillez au quotidien.
Analyser une entreprise nécessite de répondre, a minima, à trois questions fondamentales :
- Quelle est la dynamique de son marché et comment l’entreprise s’y positionne ?
- Quelle est sa rentabilité et sa solidité financière ?
- Et surtout, quelles sont ses perspectives ?
Dans l’idéal (car la réalité n’est jamais aussi simple), une entreprise pérenne se caractérise par la détention d’un actif stratégique, un positionnement unique et différenciant, rentable et disposant d’une structure financière solide lui permettant d’assurer son indépendance, de financer sa croissance, et d’encaisser des imprévus plus ou moins structurants (un impayé, la perte d’un gros client, un retournement de cycle, etc.).
Afin de vous guider dans votre analyse, plusieurs éléments clés vous seront d’une grande utilité :
- votre connaissance du secteur d’activité ou ce que vous êtes en mesure de collecter sur celui-ci ;
- l’actualité de l’entreprise : articles et communiqués de presse ;
- ainsi que ses éléments financiers : rapports de gestion et rapports annuels, liasses fiscales, recommandations d’analystes, etc.
Les 10 conseils qui suivent ont pour objectif de donner des pistes de réflexion sur la manière d’appréhender l’analyse d’une entreprise ; certains vous renvoient vers des articles plus détaillés vous permettant d’approfondir le sujet évoqué. Ils ont vocation à être généralistes, et sont bien entendu à « doser » en fonction de la structure étudiée, selon qu’il s’agit d’une TPE ou d’une société cotée.
Conseil n°1 : Identifiez les spécificités du secteur d’activité de l’entreprise
Vous connaissez sans doute la maxime « on ne mélange pas les choux et les carottes ». D’une certaine manière, celle-ci s’applique plutôt bien à l’analyse financière, où il est important de garder à l’esprit que chaque entreprise est différente (de par sa taille, son activité, son cycle d’exploitation, la nature de sa clientèle, son exposition à l’international, etc.), et que l’analyse de son équilibre et de sa performance doit s’inscrire dans ses spécificités propres pour être pertinente.
Pour approfondir : l’équilibre et la performance d’une entreprise : avant tout une question de contexte
Conseil n°2 : Sachez aller au-delà des chiffres… sans trop vous en éloigner
Un bilan et un compte de résultat fournissent des données précieuses sur une entreprise, mais ils ne nous disent pas tout.
Les rapports annuels et dossiers de gestion, parfois, vont plus loin et « racontent » l’histoire de l’exercice qui vient de se clôturer. Les articles et communiqués de presse peuvent constituer un point d’appui intéressant, tout comme la presse économique et spécialisée qui vous en dira plus sur les tendances du marché. Et si vous avez accès aux dirigeants, c’est encore mieux. Car la mise en perspective des variations des différents ratios avec les décisions de gestion et la dynamique du secteur d’activité permettra de porter un œil plus critique sur ces derniers.
Cela ne remet toutefois pas en cause quelques indicateurs qui, quel que soit le contexte de l’entreprise, peuvent être révélateurs de bonne santé… ou de fragilité.
Pour approfondir : interpréter un ratio commence par la compréhension de ses facteurs de variation
Conseil n°3 : Ne vous concentrez pas sur le résultat net, la performance est ailleurs…
Apprécier la performance d’une entreprise en se basant uniquement sur son chiffre d’affaires est une erreur. Compléter cette analyse en passant directement au résultat net en est une autre : la performance de l’entreprise se trouve, entre autres, entre les deux.
La première étape dans l’analyse de la performance et de la rentabilité d’une entreprise consiste à apprécier le niveau de son EBITDA, indicateur plus pertinent pour apprécier la rentabilité dégagée par l’exploitation de cette dernière.
Pour approfondir : performance et rentabilité de l’entreprise : oubliez le chiffre d’affaires et le résultat, pensez EBITDA
Conseil n°4 : N’oubliez pas que le bilan est une photographie…
Contrairement au compte de résultat qui retrace « le film » de l’activité de l’exercice et qui est dynamique, il n’y a pas de document équivalent permettant de retracer l’évolution de l’exhaustivité de la situation patrimoniale de la société sur un exercice. Celui-ci est statique et il est important, en fonction des postes du bilan, d’être en mesure de prendre du recul.
Pour approfondir : le bilan, une photographie haute définition de l’entreprise
Conseil n°5 : … qui fige des éléments structurants
Néanmoins, c’est à travers le bilan qu’il sera possible d’identifier des signaux importants, comme la solidité de la structure, l’implication des actionnaires, le vieillissement de l’outil de production et le pouvoir de négociation de l’entreprise face à ses parties prenantes.
Pour approfondir : le bilan, une photographie haute définition de l’entreprise
Conseil n°6 : Comblez les lacunes du compte de résultat et du bilan avec l’analyse des cash-flows
Après avoir pris ses distances avec le chiffre d’affaires et le résultat net pour accorder plus d’attention à l’EBITDA, le temps est venu… de s’en éloigner également, au profit d’un puissant outil d’analyse financière : les « cash flows », ou « flux de trésorerie ».
Il s’agit ici d’une approche permettant de mettre en lumière dans quelle mesure l’entreprise a généré (ou consommé) du « cash » et comment celui-ci a été alloué. Car un EBITDA positif et en croissance ne signifie pas que l’entreprise est totalement à l’abri des tensions de trésorerie…
Pour approfondir : les cash-flows et l’analyse de la trésorerie : clés de voûte de l’analyse financière
Conseil n°7 : Levez le tapis sous lequel sont cachées les dettes hors bilan
Pour apprécier l’endettement d’une entreprise, le bilan ne suffit pas. Certains modes de financement n’y sont pas présents, à savoir le crédit-bail (mobilier et immobilier), l’escompte et l’affacturage.
Même si ces éléments sont dits « hors bilan », on les retrouve dans les annexes des liasses fiscales, et il suffit de les réintégrer au bilan afin de restituer une vision plus proche de la réalité de l’endettement de celle-ci… mais aussi de son poste client.
Pour approfondir : endettement d’une entreprise : ce que le bilan ne dit pas
Conseil n°8 : Soyez attentif au comportement des parties prenantes
Une entreprise reste avant tout une organisation humaine, où plusieurs parties prenantes viennent apporter des ressources, dans la perspective d’atteindre un objectif.
Plusieurs indicateurs peuvent être de nature à alerter, comme un turnover important des salariés (qui peut être signe de mal-être, de désaccord, d’anticipation de difficultés, etc.), une réduction brutale des délais fournisseurs (pouvant être le signe que ces derniers ont des doutes sur la capacité de l’entreprise à honorer ses engagements), etc.
Conseil n°9 : Ne perdez pas de vue les actionnaires
Selon la taille de l’entreprise et la composition de son actionnariat, le sujet de la rémunération des capitaux n’aura bien entendu pas la même importance.
Les actionnaires d’une petite TPE familiale ne prêteront pas forcément beaucoup d’attention à cet élément (encore que…). Mais lorsque l’entreprise grandit et que son actionnariat commence à s’élargir, le ROE (Return On Equity) commencera petit à petit à devenir un indicateur incontournable. Car lorsqu’un investisseur apporte des capitaux dans une entreprise, c’est dans la perspective d’en percevoir un rendement futur.
C’est justement ce que mesure ce ROE : en divisant le résultat net par le montant des capitaux propres, il permet de déterminer quel est le rendement des capitaux investis.
Les cash flows, que nous avons abordé précédemment, sont également un élément très regardé : en mettant en avant la capacité de l’entreprise à dégager du cash, elle indiquera indirectement sa capacité à en distribuer à ses actionnaires.
Conseil n°10 : Oubliez le passé, concentrez-vous sur l’avenir
De la même manière que l’AMF nous rappelle qu’en matière de placements « les performances passées ne préjugent pas des performances futures », il en va de même pour les performances d’une entreprise.
Appréhender sa performance, sa solidité et sa pérennité nécessite bien entendu d’évaluer sa performance financière passée, mais implique surtout d’identifier et d’évaluer les fondamentaux sur lesquelles elle peut compter pour renouveler cette performance. A savoir :
- Quels sont les éléments stratégiques que l’entreprise détient, la rend unique, la différencie de ses concurrents ?
- Quelle est la vision de ses dirigeants ?
- En quoi ces différents facteurs lui permettront de résister face aux mutations de son environnement, comme l’arrivée d’un nouvel entrant, de produits de substitution, etc.
Faites le point sur ses « SWOT » : ses forces, ses faiblesses (propres à l’entreprise), et les opportunités et menaces (propres à son environnement), qu’il s’agira de saisir, d’affronter… pour perdurer dans le temps.
Florent Goossens